samedi 23 juillet 2011

NASHVILLE / 2 days

Samedi 23 Juillet / DAY 15 (suite et fin) / Arrivée à Nashville

A Nashville, nous sommes hébergés dans une immense baraque en bois bleu d'un quartier résidentiel avec porche, balancelle et tout le toutim. Virgile, notre hôte, est français, habite Nashville depuis trois ans, étudie la philosophie, roule à vélo mais possède une Lincoln 70's non immatriculée et a des airs de Guillaume Depardieu. Il est très cultivé, particulièrement volubile et ponctue son discours de "hummm... c'est très intéressant" ou de "ouais, c'est vraiment très sympa".
On apprend beaucoup en sa compagnie, un point de vue non américain et de surcroît francophone est très rafraîchissant à ce stade du voyage et donne une lumière nouvelle sur la vie aux États-Unis.

On débarque donc le samedi soir chez lui et ses colocataires, une journée trop tôt apparemment ; nous sommes sales jusque sous les ongles de nos quatre jours de rando. On s'empresse de se doucher et de lancer une machine. Sur le coup de 21h30, une fois la nuit tombée, des gens débarquent et se rassemblent dehors pour un house show devant le garage, parfaite image d'épinal du garage américain où l'on verrait aisément un groupe d'émo rock adolescent répéter. Mais il n’en est rien. Derrière un écran de moustiquaire, dans un décor de salon XIXe baigné de lumière rouge, défileront un singer songwriter de country pop fm et Biceps Yankee, le groupe de pop ironico abstraite et arty dans le lequel Virgile joue de la harpe. Pour finir, Cécile et moi jouerons deux chansons devant un parterre essentiellement masculin, sirotant bière et fumant des clopes dans des rockin' chairs.

Après, il est tard, il fait toujours aussi chaud et moite, la foule se disperse ; je fume dans le noir sur les marches de la terrasse, enveloppé par la chaleur humide et le chant terriblement puissant de bestioles genre crickets, on croirait qu'il en a des milliers et que l'on est en pleine forêt tropicale. Quand le lendemain je pense à les enregistrer, nous n'avons déjà plus de piles dans notre appareil, je regrette maintenant tellement de ne pas avoir de trace sonore de ces ronronnements profonds qui semblaient m'encercler.


Dimanche 24 Juillet / DAY 16 / Nashville

De la maison, appartenant à la mère d'une des colocataires qui prévoit de la transformer en immense cabinet médical, par ailleurs outrée – ce qui n'a rien d'étonnant – de l'état dans lequel la tiennent ses habitants, nous n'aurons visité que le rez-de-chaussée, le garage-chambre de Virgile, et le sous-sol, tout en moquette et crépit blancs, où nous avons dormi trois nuits. Nous y avions accès à une salle de bains si sale que c'en était inquiétant ; le rideau de douche rongé par la moisissure, l'évier littéralement recouvert de crasse comme de bizarres coulées rupestres concourraient au tableau d'un endroit plutôt hostile où poser sa brosse à dents le temps de se rincer la bouche devenait hautement problématique.

Ce dimanche-là, Thomas se lève avant Xavier et moi, et revient avec tous les ingrédients nécessaires pour que nous partagions avec notre hôte une tournée de pancakes et, plus tard, une grande salade 
 ("avocats, tomates, féta, coriandre, piments et concombre" dit le chef) que nous mangerons sur le porche de la grande maison, assis sur la balancelle.

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Il fait trop chaud pour se promener avant que la soirée ne soit entamée, alors nous traînons un peu, à discuter avec Virgile des actualités (dont nous avons été coupés pendant une semaine). Et puis, puisque nous sommes arrivés un jour trop tôt selon notre itinéraire et que nous n'avons toujours personne chez qui aller à Memphis, nous pouvons prendre notre temps. J'en profite pour envoyer quelques nouvelles outre-Atlantique et consulter mes courriels. Je découvre les nouveaux titres des Spadassins, que nous avions enregistrés en juin. C'est tellement étrange d'écouter cela là-bas, dans cette chaleur, dans ce décor. Je suis frustré, aussi, de ne pas avoir assisté au mixage, mais on ne peut pas être partout et je suis loin d'être en reste. (Quatre de ces titres sont d'ailleurs sortis en 45tours en décembre dernier, et le disque est chouette comme tout.)

Ensuite, 
je reste seule dans l'immense maison, le temps de quelques heures, alors que les garçons fouillent les bacs de quelque disquaire. Virgile aussi est sorti, il suit des cours cet été. Depuis son ordinateur, j'envoie par mail des nouvelles à ma famille. J'avais reçu de la part de mes parents, de ma mamie, de ma soeur, des courriers inquiets quant à la canicule que nous traversions. Il fait certes extrêmement chaud ; à me reposer ainsi seule dans la chambre-garage de Virgile, je suis même prise d'une torpeur quasi tropicale. Mais comment dire, cela a quelque chose de très agréable. Au fond d'un moelleux fauteuil en velours, je bouquine plusieurs beaux livres sur la philosophie orientale, sur la statuaire pré-colombienne (toi même tu sais). Des insectes bourdonnent de l'autre côté de l'écran de tulle qui me sépare de la cour où déjà l'ombre portée des arbres poussant sous ce climat donne au moment des accents d'exotisme. Alors quoi.

Puis les garçons reviennent de The Great Escape et Grimey's les bras pleins de trouvailles, la température est un peu plus clémente, nous partons à la découverte du centre ville.

Malgré son allure artificielle, j'ai aimé Broadway. (L'excitation que j'ai ressentie à la descendre s'apparentait un peu au bizarre enthousiasme qui m'a prise chaque fois que j'ai parcouru les rues commerçantes de Lourdes). L'endroit est tout entier consacré aux attentes des touristes, exaltant d'une étrange façon un passé mythifié, à grands coups d'alignements dans les vitrines de babioles, de cartes postales vintage et de fringues généreusement décorées, dorées, brodées, d'affiches figurant les portraits de musiciens ayant marqué l’histoire de la country ou du rock ; les enseignes des bars et des boutiques, leurs façades de briques, un peu saloon, renvoient à toute cette imagerie western que nous connaissons bien. Et malgré cette saturation évidente du paysage, on devine que tout n’est pas si faux, que ce qui soutient cet amoncellement de choses, de sons, de réclames et de paillettes, est quelque chose de plutôt noble, sûrement sincère. 


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Des néons clament live music & beer. La musique est partout, diffusée aux passages cloutés, dans toutes les échoppes et dans chaque bar. Derrière les vitrines de tous les saloons, on peut voir un batteur de dos, accompagnant bien souvent un groupe de country FM. Les airs dans la rue se mélangent, créant une sorte de mélasse sonore et des syncopes de caisses claires.

Un groupe nous attire particulièrement. Ils ne sont pas FM pour un sou, plus country crado. Les musiciens, mal rasés, portent cheveux gras et clope au bec. Le contrebassiste nous interpelle du regard alors que nous passons dans la rue. Le groupe sonne, il se passe un truc là, on entend le ronronnement médium des attaques de cordes, pareil à une locomotive, comme dans tout bon disque de rockab’. Mais c'est sa panoplie parfaite, sa face espiègle, sa salopette, sa barbe énorme et ses tatouages, qui nous décident à rentrer au Full Moon Saloon.


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T for Texas, une reprise de Jimmy Rogers par Slim Chance & the Can't Hardly Playboys
enregistrée live au Full Moon Saloon, avec notre petit enregistreur Zoom

A la table voisine, trois soeurs sexagénaires permanentées complètent à la perfection cette carte postale du Tennessee. L’une d’elle semble d'ailleurs être une star locale d'un autre temps et monte sur scène le temps d'une chanson, pour le plus grand plaisir du public et de sa mère au premier rang, qui mimera même la contrebasse avec sa canne alors que Slim Chance & the Can't Hardly Playboys reprendront un vieux standard de Hank Williams.


Virgile nous a conseillé de passer voir la réplique du Parthenon, au Centennial Park. Un peu comme la Tour Eiffel, ce bâtiment a été construit pour une exposition  - en 1897 à l'occasion du centième anniversaire de l'état du Tennessee - et n'a finalement pas été détruit. A l'origine conçu en bois, en briques et en plâtre, il s'est dégradé, si bien qu'il a dû être rebâti, et nous n'en avons vu que sa seconde version, toute en béton à l'apparence de mauvais crépi, rien de bien fou fou à vrai dire. 

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Lundi 25 Juillet / Nashville day 17

Nous nous levons plus tôt que la veille : inutile de se préoccuper de la chaleur, nous visiterons  le Country Music Hall of Fame et y serons au frais. 
Ce musée, qu'on nous avait recommandé, relate - entre autres - l'histoire de la country music. Illustré de nombreux documents d'archives - vieux films, enregistrements d'époque, instruments du 19e, accessoires de scènes - le récit de l'émergence du genre est assez passionnant.
Moi qui n'y connais vraiment pas grand chose, je suis contente de passer enfin un peu de temps à découvrir quelques classiques. Le yodeling de Jimmie Rodgers, le choeur de cowboys sur une chanson de Patsy Montana, et surtout le génial "Sixteen tons" de Tennessee Ernie Ford m'enthousiasment, je prends bêtement beaucoup de notes...



La fin de l'exposition au premier étage évoque le tournant rock 'n roll de la country. On nous sert de la fougueuse Wanda Jackson, du sautillant Jerry Lee Lewis, du Carl Perkins et du grand Elvis, nous sommes ravis. 
Ensuite, les choses se gâtent, moins de musique, plus de paillettes. Quant on en vient au milieu des années 60 où le rock, entre autres raisons plus télégénique, tient la vedette, les airs country deviennent plus smooth, les musiciens plus strass ; ça nous enchante beaucoup moins. On fait le tour, éberlués quand même, de la solid gold Cadillac du King, et on s'arrête là pour la visite. Les autres étages nous ennuient, où de façon très anecdotique sont mis sous vitrine les biens de grands musiciens, et où on essaie de nous tirer des larmes en nous contant la fabuleuse destinée de quelque chanteuse néo-hillbilly devenue princesse de la country FM. 

Près de la sortie, il y a quelques ateliers pour enfants.  A leur disposition, des costumes de chez Nudie, ce fameux styliste de la country, en version papier, ou des cowboys et cowgirls à dessiner et colorier, cela me fait marrer, j'en prends quelques-uns en souvenir.



On part manger un peu en périphérie de la ville, dans une sorte de no man's land commercial. Le disquaire que nous avions repéré est fermé : finalement, on passe du temps dans un Goodwill, à l'abri de la chaleur, à shopper des tee-shirts d'occasion. Dans ces boutiques immenses et beaucoup moins foutraques que nos Emmaüs, les habits sont rangés par couleurs. On y trouve une quantité folle de fringues arborant des transferts d'équipes de sport, de clubs de maths, bon nombre d'articles en denim ou bien aux motifs félins. Pas très étonnant.

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Le soir, avec Virgile, on rejoint un bar de son quartier. Il fait nuit mais encore bien chaud. On marche le long des maisons du voisinage. Porche - pelouse - promenade / sidewalk - pelouse - route. Inévitablement, on pense à toutes ces séries ou films où un type à vélo distribue le journal du jour en le lançant simplement sur les pelouses pendant que joggers et dog-sitters occupent la promenade. (impossible de penser à un extrait là. Des idées ?) Comme souvent, la carte des bières est très fournie. Nous discutons de la quantité de glaçons dans les verres (9), du point de vue américain sur l'écologie, de la prégnance de la religion dans le Tennessee et de musique. Un type nous entend parler français et se pointe à notre table nous servir quelques phrases de son crû. C'est une bonne soirée.

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