mercredi 27 juillet 2011

NEW ORLEANS part 1 / first day

Mercredi 27 Juillet / DAY 19
"Déjà plus qu'un mois !" - oh spoilt little ones

Avant de commencer, pour vous plonger directement à la Nouvelle Orléans et mettre un fond musical à votre lecture, voici un extrait du concert des New Orleans 6 dont il est question plus tard dans ce message.


On the way to New Orleans

Nous n'aimons pas tellement l'idée d'arriver à la Nouvelle Orléans sans avoir croisé le Mississippi alors en quittant l'appartement de Bryant, nous naviguons un peu à l'aveugle dans Vicksburg pour trouver un endroit qui nous offrirait une belle vue sur le fleuve. 
La petite ville vit sur son passé sécessionniste. On croise de vieux bâtiments de briques, des maisons de bois avec porche et double porte en moustiquaire, on traverse des quartiers plus résidentiels qu'à Memphis, mais les maisons, toujours, sont un peu décrépies. Et puis on découvre le Mississippi.
Il est monstrueusement large. Le steamer blanc qui y mouille et la végétation folle sur la berge opposée complètent très bien le tableau, c'est pour ainsi dire comme attendu, aussi beau. Et l'air chaud dès le matin est étouffant. 

Nous écoutons Forever Changes de Love très fort, puis Bob Dylan sur la Highway 61 en direction de Natchez. Le temps passe vite. Les paysages ont quelque chose de joliment exagéré. La végétation est incroyablement luxuriante, son vert est d'une couleur intense ; une sorte de lierre énorme recouvre le sol et les arbres gigantesques, donnant au paysage des allures tropicales.

Natchez est une vieille bourgade (à l'aune du pays) coloniale, au bord du Mississippi, de petites maisons aux jardins bien tenus y côtoient d'imposantes demeures de planteurs, les rues sont fleuries et bordées d'arbres énormes, sombres, noueux et majestueux, avec leurs fameuses mousses espagnoles pendantes, comme on ne semble en trouver que dans le sud du pays.
Nous décidons d'y faire une courte pause avant de reprendre la route. 

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Alors qu'on a déjà un creux au ventre, on passe devant une cahute en bord de route qui indique hot tamales. Thomas s'exclame que c'est fameux, il en garde un souvenir enthousiaste, il ne nous en faut pas plus pour nous arrêter - ce serait très mal connaître Xavier que de l'imaginer renoncer à une telle étape. Ce sera notre apéritif, c'est-à-dire, nous mangerons quand même un vrai repas après hein ? Ces trucs-là consistent en un mélange de farines et de viande cuit à la vapeur dans des feuilles d'épis de maïs. Xavier reste sur sa faim. T'es sûr Thomas que ça se mange pas, demande-t-il en mâchonnant le contenant qui ressemble pourtant à du papyrus. 

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Sans savoir d'abord que cela rallongera notre voyage du jour de deux heures et demie, nous optons en repartant pour des routes secondaires cette fois, aux dépends des 
interstates, bien que celles-ci soient de toute façon bien plus plaisantes que les autoroutes françaises - la vue y est dégagée et les abords en sont changeants. De cette manière, nous suivons de loin le lit du Mississippi, que nous apercevons quelques rares fois, nous longeons d'anciennes plantations, nous croisons des foules d'oiseaux blancs, plusieurs rapaces. En clair des étendues presque vierges, des verts dépaysants, noyés parfois dans les marécages. 

Pas un chat sur la route. Après quelques dizaines de kilomètres, c'est morne plaine. Seuls des chevaux ou des vaches dans les champs et les aigrettes à leurs côtés animent le paysage. On double deux camions chargés de troncs d'arbres, on dépasse quelques puits de forage, des ponts militaires, des centrales électriques ...



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Puis je donne le volant à Xavier. On retrouve l'
interstate autour de Bâton Rouge, sous une pluie battante. On semble rouler sur l'eau à l'approche de la Nouvelle Orléans, sur des kilomètres, la route est en fait le tablier d'un pont très bas : à gauche l'énorme Lac Pontchartrain, à droite le bayou.

New Orleans

Avant d'atteindre la Nouvelle Orléans, on parvient à joindre Justin Newman par téléphone, notre nouvel hôte, qui nous annonce qu'à cause d'un contre-temps, il n'arrivera chez lui qu'entre minuit et trois heures du matin. On se figure qu'on veillera jusque là alors après avoir garé la voiture dans un endroit qu'on espère pas trop craignos, on s'engage à pied dans le French Quarter, autrement appelé Vieux Carré, le plus ancien quartier de la ville, entièrement répertorié comme national historic landmark

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Le sol est mouillé, il y a une odeur de pluie ... Je m'attendais à trouver une poignée de maisons coloniales au croisement des deux rues les plus fréquentées, il n'en est rien, elles sont partout. Les bâtiments sont hauts de deux ou trois étages, aux couleurs vives, aux balcons en coursives de fer forgé ou bien de fonte, où l'on retrouve souvent des plantes tombantes et luxuriantes dégoulinant d'eau sur le trottoir.


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On déjeune au Camellia Grill au milieu de l'après-midi. C'est une sorte de diner tout carrelé de blanc. Les tabourets habillés de cuir foncé sont disposés en U autour d'une d'allée où un serveur noir aux dents cerclées d'or fait le bonimenteur. A part nous, les quelques clients qui sont là ne l'écoutent pas vraiment. L'homme à la chemise rose et aux cheveux gominés qui nous fait face semble être le propriétaire des lieux. La cinquantaine avancée, il porte au poignet la grosse montre qui indique qu'il a réussi sa vie. Sa femme lourdement bijoutée et maquillée mange à côté de lui un burger, le portant à sa bouche tout à la fois avec précaution et ennui.

On découvre ensuite le Jackson Square, bordé de ses Palomba buildings. Diseurs de bonne aventure, musiciens, mimes et autres weirdos peuplent l'esplanade qui donne sur le cathédrale St Louis.
On explore, on zigzague et tourne en rond entre les rues Royale, St Charles, St Louis, Decatur, Toulouse, on évite les néons vulgaires, les enseignes tape-à-l'oeil et la musique envahissante de Bourbon Street que l'on rejoindra plus tard - c'est une longue rue -, plus à l'Est, après avoir quitté la rue Dauphine en direction du Faubourg Marigny.
Il s'agit de trouver la Frenchmen Street, à l'écart du centre, dont nous a parlé Bryant de Vicksburg. Lui non plus n'affectionne pas la cohue phosphorescente de Bourbon Street.

Les bâtiments aux galeries fleuries se font plus rares, des maisons en bois aux couleurs passées et à la peinture écaillée les remplacent. Les rues sont désertes ou presque, où sont les gens ? Où se retrouvent-ils pour boire un verre ? Cette partie de la ville laisse une drôle d'impression d'endroit inhabité, hormis le centre colonial franco-espagnol où grouille une foule de touristes et d'autochtones incroyablement accueillants qui nous lancent en nous croisant un how're you doing ? souvent agrémenté d'un grand sourire ou d'un oeil pétillant. A mesure donc que l'on s'en éloigne, les rues sont moins fréquentées, la peinture décrépit, les boiseries sont usées par le vent et la pluie, les trottoirs se craquellent et pas un habitant sous son porche, vaguement quelques personnes à vélo, tout semble vide.

On traverse l'Esplanade, grande rue bordée de ces arbres larges aux branches tombantes du sud marécageux des Etats Unis. Et puis on atteint Frenchmen Street, enfin un endroit vivant. On la descend, à la recherche du bar parfait pour se reposer et écrire nos cahiers. Mais on ne trouvera rien de cela : l'heure est avancée et tous les établissements proposent déjà des concerts qui résonnent jusque dans la rue.

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On opte alors judicieusement pour The Spotted Cat. Au comptoir, une pale ale à la main, on écoute The New Orleans 6, un sextet de jazz - Nouvelle Orléans oblige -, mais à la mode dixieland, piano, contrebasse, batterie minimale avec une chouette grosse caisse des années 20 ou 30, saxophone, trombone, trompette et voix : c'est délicieusement désuet, enjoué et bondissant. Le bar se remplit, on prend une deuxième tournée.




 Arrive ensuite l'heure de St Louis Slim & the Frenchmen Street Jug Band pour un set de ce que l'on apprendra plus tard être de la swamp pop (pop des marais). Le batteur du premier groupe troque sa batterie pour une washboard dont il joue fichtrement bien, cela me donne envie d'aller dépoussiérer celle qui se trouve au grenier du Lou et d'investir dans un jeu de dés à coudre.




On est un peu rincés par la journée mais honnêtement, il y a plus désagréable façon d'attendre que la nuit avance. D'ailleurs, on rigole pas mal et puis la musique, si bien exécutée, nous plonge parfaitement dans ce qu'il convient sans doute d'appeler l'esprit de la ville, je ne sais pas quoi dire d'autre, ce que nous imaginions quand nous préparions le voyage, penchés sur la carte des Etats-Unis ; nous avions tellement hâte d'y être. 




Interview bilan de Cécile & Xavier en 2 parties pour Radio Moustache

Allez tant pis une photo prise avec un téléphone portable ░┼░

Quelques sons pris dans la rue en sortant du Spotted Cat.


On quitte le bar vers une heure du matin. Notre hôte, censé rentrer chez lui entre minuit et 3 heures, est injoignable. Nous sommes trop fatigués pour poursuivre la nuit alors nous rejoignons la voiture, pensant discuter en attendant le coup de fil de Justin, mais à peine arrivés nous nous écroulons de fatigue.

Impossible pourtant de dormir vraiment, il fait horriblement chaud. En quelques secondes la buée obstrue les vitres. 
Mais les garçons ont peur que le quartier soit mal famé - comme il en a l'air c'est vrai -, il n'est pas question de s'endormir en laissant les fenêtres ouvertes. Cela ne serait pas exagéré de dire que c'était une expérience pénible, avoir si chaud ; je me le rappelle parfaitement. Dans un état de demi-sommeil, on ouvrait de temps en temps une portière, quelques secondes, pour faire entrer un peu de fraîcheur, sans résultat probant.

Je me réveille vers 2 heures et demie, suant à grosse gouttes, toujours pas de nouvelles. J'appelle Justin, il répond, il est au volant et se confond en excuses, il a eu un problème et ne sera pas chez lui avant 7 heures du matin. Il fait pourtant beaucoup trop chaud pour continuer à mal dormir dans notre carrosse coréen.
Nous partons donc à la recherche d'un motel. Rapidement nous en trouvons un, sur Canal Street, face à la brasserie Dixie Beer désaffectée. C'est tout comme dans un film : deux étages avec coursives en bois, grand panneau "Motel" façon 50's planté à l'entrée du parking, veilleur de nuit asiatique, fille noire assise sur les marches attendant quelque client ; puis notre chambre un peu miteuse, lit éventré, moquette râpée et robinetterie de merde, mais à cette heure, cela nous semble un havre de luxe providentiel. Je dors profondément du sommeil du juste.

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