mardi 2 août 2011

Traverser le Texas : LA ROUTE, AMARILLO, VERS SANTA FE / 2 Days


Pour raconter ces journées et jusqu'au récit notre arrivée en Utah, certains souvenirs vont me faire défaut, je veux dire : une mémoire anecdotique et du rythme du temps. Entre la nuit passée à Big Thicket et l'arrivée dans les déserts de l'Utah, je n'ai pris aucune photo, ni de Amardillo, ni de Santa Fe, où nous sommes pourtant restés deux jours, et les images fixées aident à scander les souvenirs. Je me souviens avoir acheté des pellicules à La Nouvelle Orléans, j'en conclus que ce ne sont pas des raisons techniques qui m'ont empêchée de photographier ces endroits – quoique, j'ai sûrement renoncé à certaines photos à cause du manque de lumière. Les énormes camions illuminés que nous voyions passer à l'horizon quand nous étions attablés dans le noir près de notre tente dans le camping de Amardillo étaient remarquables mais ils étaient trop lointains et il faisait nuit. Les jours où nous avons traversé le Texas étaient sans doute moins photogéniques que les autres. Je ne dit pas que les endroits étaient moins photogéniques. Et je ne juge pas des moments ni même un voyage à cette aune. Simplement, ce que je veux dire, c'est que c'est plus difficile à raconter maintenant.

░┼░ is fond of photoshop

Mardi 2 Août

Nous levons le camp vers 7h, petit-déjeunons après une courte marche pour rejoindre la voiture et partons aux alentours de 8h, préparés à passer la journée sur la route. On remonte tout d'abord le Texas par l'est, la végétation est toujours verte, moins dense qu'en Louisiane, mais bien loin de l'image que l'on se fait du Lone Star State. 
Nous nous arrêtons dans la matinée dans un bled pour poster des lettres. Thomas envoie à ses parents une immense reproduction d'une ancienne carte de La Nouvelle Orléans. La postière est très accueillante, nous bavardons à propos de notre voyage. Ce village n'est sûrement pas très touristique. On dirait que le temps s'y est arrêté. Dans mon souvenir, il est construit le long de la route, constitué de petits commerces et d'habitations semblant vides qui se font suite. Même sous un soleil très franc, il est comme endormi.

Il fait extrêmement chaud, plus de 100°F (environ 38°C), la clim tourne à plein régime. Sur l'autoroute, des panneaux conseillent de faire des provisions d'eau pour le voyage. Cela semble une précaution évidente, mais la route qui s'offre à nous parcourt des étendues de plus en plus désertes, sans possibilité de s'arrêter pour se rafraîchir. Nous écoutons en silence de la musique. The Beau Brummels, The Kinks, Lee Hazlewood, Bo Diddley, Serafina Steer, Vampire Weekend, Spiritualized.

Nous bifurquons vers une ville dans l'idée de pique-niquer à l'ombre mais c'est chose rare et nous devons nous résigner, après avoir hésité à rester dans la voiture pour profiter de la climatisation, à manger tout suants nos bagels sous un maigre arbuste, sur un immense parking d'église – de telles choses existent ci. Peu avant, sur l'autoroute, nous avions été frappés par la présence d'un gigantesque panneau publicitaire invitant les voyageurs à emprunter la sortie prochaine pour rejoindre une immense église à proximité, perdue – nous l'avons aperçue – dans des hectares d'asphalte, un immense parking vide, sans doute une megachurch
Certains ici exhibent ou vantent le christianisme ; cela donne parfois lieu à de bonnes blagues, comme ce panneau "Walmart is not the only saving place" croisé quelque part sur la route.

À mesure que l'on remonte vers le nord-ouest, vers Dallas et Fort Worth, le paysage devient de plus en plus aride, la verdure laisse place à des buissons secs et à de la rocaille à perte de vue. Il y a de moins en moins de villes, de moins en moins de panneaux, de moins en moins de commerces sur la route. Il nous reste encore pas mal d'essence, tout va bien. À Witchita Falls on écoute Ornemental Sideshow des Witchita Fall.
Puis, au détour d'une côte ou d'un virage, on découvre de nouveaux paysages désertiques, des étendues vierges aux couleurs claires à couper le souffle, une épave, une maison abandonnée, une station essence désaffectée, un ranch où louer des vidéos pour adultes, des enseignes au lettrage très saloon.
La route grimpe et cela s'ouvre et s'offre d'un coup. Jusqu'à l'horizon dans les herbes aplaties par le soleil sont plantés des poteaux électriques de bois noir. Quelques minuscules nuages cherchent leur place sur le ciel bleu, c'est magnifique de simplicité, j'ai envie de prendre une photo, mais on continue à rouler.
On s'arrête le soir à Amarillo au nord ouest du Texas après 10 ou 12 heures de route. On plante notre tente, il n'y a rien ou presque à 100 kilomètres à la ronde.

Arrivé à Amarillo, Thomas se rend compte qu'il n'a pas le numéro de téléphone des personnes que l'on devait contacter pour être hébergés la nuit et que, quand bien même il l'aurait noté, ces personnes vivent à Oklahoma City, c'est-à-dire à. 
Notre chance c'est qu'à quelques miles de la station essence où cette délicate situation se révèle se trouve un camping privé. Nous arrivons par contre juste après l'heure de fermeture de la piscine, mais les bières fraîches achetées à l'accueil sont déjà une façon d'entamer la soirée. 

Au matin, on prend la direction du nouveau Mexique sur l'interstate 40, on écoute. Le sol et la pierre deviennent de plus en plus rouge. Depuis Amarillo, les villes ont de plus en plus des consonances hispaniques, on approche du but. On roule sur un tronçon de l'ex route 66, tous les 15 ou 20 miles, il y a un panneau à l'honneur de celle-ci, un ville sur le chemin porte même le nom de Moriaty (nb: personnage central descendant et remontant sans relache la route 66 dans On the Road de Jack Kerouac). On bifurque vers le nord, et nous voilà à Santa Fe.



lundi 1 août 2011

BIG THICKET / 1 Day

Lundi 1er Août / Day 24

Il nous faut moins de trois heures pour rejoindre Big Thicket ("le Gros Fourré") au sud-est du Texas. Ce n'est pas un parc national mais un national preserve - je ne vois pas bien la différence. On se pointe aux visitors center, Cécile regarde les chapeaux tout moches et renonce une nouvelle fois à acheter de quoi se protéger la tête. Xavier et moi boudons un peu tous les gadgets pour enfants, on va plutot discuter avec une ranger et Cécile nous rejoint vite. La garde forestière est charmante, elle nous conseille quelques coins où camper et se balader. Elle nous mène ensuite dans une salle de projection où nous avons droit à un film sur l'histoire de Big Thicket.

C'est un lieu qui a tout d'abord été habité par des indiens puis, au début du XIXe siècle, par des anglo-saxons protestants venus cultiver ses terres marécageuses. Le Thicket a souvent servi de refuge, notamment aux soldats fuyant la guerre de Sécession entre 1861 et 1865.
La fin du film est consacrée à la faune et à la flore du parc. L'endroit est un des plus bio diversifié du monde. Mais, ce que je retiens surtout, c'est qu'il semble infesté de serpents dangereux et qu'il faudra y randonner un bâton à la main et marquer nos pas en frappant le sol.


Big Thicket est un énorme bayou comme on en trouve au sud de la Louisiane mais, malheureusement pour nous, 2011 est année de sécheresse et le Texas vient de connaître deux semaines à plus de 40°C : le bayou est complètement à sec. En voiture, nous choisissons de nous diriger, sur les conseils de la ranger, vers un endroit où nous pourrons censément voir des cerfs. Nous nous installons pour pique-niquer dans une clairière au bout d'un chemin en terre près d'un vieux cimetière, à l'ombre d'un gros arbre. En regardant alentour, on se demande comment on va bien pouvoir pénétrer la végétation, très dense, pour randonner un peu et planter notre tente quelques kilomètres plus loin - selon les règles de camping, strictes et un peu compliquées. Finalement, les moustiques, 
voraces et insensibles à notre produit, nous empêchent de profiter du moment et nous décident à changer nos plans.

Nous remontons donc dans la voiture et optons pour une seconde destination, à quelques dizaines de kilomètres. La journée est déjà avancée, alors une fois arrivés, on ne marche qu'une grosse heure.

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La végétation est superbe malgré la sécheresse qui nous permet de fait de planter notre tente dans une cuvette sans doute normalement immergée, pleine de cyprès aux racines énormes qui ressortent plus loin verticalement comme des gueules de crocodiles. L'endroit est fascinant et enchanteur, on se croirait dans Jurassic Park.

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On a vaguement trimé pour trouver au sol une étendue suffisante, sans racine en stalagmite, pour planter notre tente, alors on se sent un peu pionniers ; on aurait presque le port fier et comme une machette à la main. Pour descendre à la rivière, le chemin est hasardeux. On glisse, on perd de notre superbe, on fait les gosses.

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La rivière court sur un lit de sable, parmi de grands arbres plein de lianes, nous nous y baignons, nus pour finir.

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Nous nous prélassons, certains plus que d'autres, puis nous retournons nous balader une petite heure à lumière du coucher soleil, absolument seuls.


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Quand on rentre, je me baigne à nouveau, c'est tellement chouette. 

Alors qu'on s'apprête à faire une soupe avant de se coucher, il fait déjà presque noir et on se rend compte qu'on n'a plus de gaz pour le réchaud. Il faut faire l'aller-retour à la voiture. On prépare finalement le dîner à la lueur d'une lampe torche puis on se couche enfin, entourés de bruits nouveaux - c'est un peu magique.